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Néonics. "Nous sommes en guerre !"

24/03/2021

Les apiculteurs de France n’ont pas oublié…
En 2004, 2005, 2012, saisi par les organisations apicoles rassemblées au sein de la Coordination des Apiculteurs de France, le Conseil d’État interdisait successivement l’usage du « Gaucho® » sur tournesol, puis sur maïs, le « Regent-TS® » sur toutes cultures, le « Cruiser®» sur colza… avant que la loi Biodiversité 2016 ne généralise l’interdiction de ces insecticides « tueurs d’abeilles », tant attendue et fondée sur plus de 1200 études scientifiques, compilées par la Task Force internationale.

Régression consternante
Ce 15 mars 2021, c’est encore le Conseil d’État mais qui, cette fois, approuve l’arrêté du 5 février 2021, réautorisant l’usage de ces néonicotinoïdes sur la betterave sucrière ! Dans la continuité du Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé en décembre 2020. La plus haute juridiction administrative, saisie d’un « référé-liberté » par le Syndicat National d’Apiculture, les associations Terre d’Abeilles et Criigen (représentées par Corinne LEPAGE), a rendu son ordonnance le 15 mars, à la suite d’une audience qui s’est déroulée le 9 mars au matin, réunissant l’ensemble des parties prenantes et leurs avocats.

Omissions et contre-vérités scandaleuses. Une ordonnance qui pose question…
Nous, requérants, contestions notamment une atteinte au droit de propriété des apiculteurs, ainsi que le non-respect de l’article 53 du règlement communautaire 1107/2009, prévoyant des dérogations dans le cadre d’un usage « contrôlé et limité », exclusivement, et dès lors qu’un « danger » ne peut être maîtrisé par d’autres moyens « raisonnables ».
Alors que ces derniers points ont été très largement discutés lors de l'audience du 9 mars dernier (avec un argumentaire plus que lacunaire de la part du représentant du Ministre de l'Agriculture), l'ordonnance n'en fait aucune mention ! Elle fait pareillement abstraction des limitations géographiques... Le juge des référés préférant s’appuyer sur la précédente validation par le Conseil constitutionnel de la loi du 14 décembre 2020.

A propos du risque d'infestation de pucerons pour la campagne 2021, l'ordonnance affirme que :"si des périodes de gel prolongées ont eu lieu au début de l'année 2021, le risque d'une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2021 demeure sérieux".
Il s'agit là d'une affirmation non fondée, pourtant également largement démentie au cours de l'audience.

Incompétence et mauvaise foi du ministère de l’Agriculture
Les nombreuses omissions et contre-vérités que contient cette ordonnance sont absolument scandaleuses et posent question, en l’occurrence, sur l’indépendance de la justice. Sur l’incompétence de l’État, aussi, après la première réunion du Conseil de surveillance du 22 janvier, qui nous a permis de mesurer l'inorganisation, l'absence de protocole et le manque total de vision du ministère de l’Agriculture – un flou tel que même la représentante de l'Anses a voté contre l’arrêté du 5 février 2021 ! Ce vote courageux du laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, éminemment dérangeant pour le Ministre de l’Agriculture et que Frank ALETRU a tenu à souligner au cours de l’audience du 9 mars, a d’ailleurs été publiquement contesté par le représentant du ministère !

Cette mauvaise foi affichée sans vergogne dans la salle du contentieux du Conseil d’État, qui aurait dû être relevée par le juge des référés, laisse perplexe à double titre. Mais elle s’inscrit dans le droit fil des arguments fallacieux utilisés par le ministre de l’Agriculture pour justifier cette réautorisation des insecticides néonicotinoïdes sur notre territoire, revendiquée sans relâche par les organisations agricoles majoritaires, les firmes et leurs lobbyistes depuis l’adoption de la loi biodiversité. (Ces arguments fallacieux que nous avions pris soin d’analyser, point par point, pour rétablir la vérité auprès des parlementaires français et leur permettre de voter en toute connaissance de cause…)

D’autres recours déposés devant les tribunaux administratifs
Parallèlement à ce référé-liberté, Terre d’Abeilles a déposé plusieurs recours (collectifs) devant les tribunaux administratifs, pour demander l’annulation de l’arrêté du 5 février 2021 : deux sur le fond et deux autres en référé suspension, à Toulouse et à Lyon, où se situent les sièges sociaux des entreprises détentrices des produits commerciaux cités en annexe de l’arrêté. Avec Générations Futures, Pollinis, le Syndicat National d’Apiculture, Justice Pesticides, France Nature Environnement et Alerte Médecins Pesticides, nous étions représentés par Maîtres Baron et Lafforgue. Mais les tribunaux de Lyon et de Toulouse se sont rangés à l’appréciation du Conseil d’Etat sur sa compétence et ont rendu des ordonnances défavorables. Nos conseils ont déploré, en particulier, que le Conseil d’Etat n’ait pas examiné la condition d’urgence : « ce qui est assez inhabituel pour être souligné et démontre à notre sens une volonté particulière de couper court à toute tentative de contestation ».

Plainte auprès de la Commission européenne
Si le Conseil d’État considère, d’autre part, que l’arrêté serait parfaitement conforme à la réglementation européenne, cet avis n’engage que lui mais pas la Commission européenne - que nous (Terre d’Abeilles, SNA et Criigen) avons également saisie, à la suite du référé liberté…
Il est utile de souligner que la Cour de Justice de l’Union européenne a déjà eu l’occasion de reconnaître la faute de la France pour des décisions rendues par le Conseil d’État… Wait and see !

Ensemble contre l’autorisation d’usage des poisons avérés !
Approuvée par le Conseil constitutionnel, cette loi du 14 décembre 2020 est fondamentalement inacceptable, intolérable. Elle est dangereuse aussi pour les opportunités qu’elle procure à ceux que les pollinisateurs dérangent… affûter leurs nouveaux arguments auprès des décideurs, par exemple, tels que « Pas d’interdiction sans solutions ! ». Ce nouveau crédo des amis des pesticides est particulièrement préoccupant, pour son impact potentiel sur notre territoire et aussi hors de nos frontières.
La situation est ainsi explosive et nécessite d’être plus nombreux que jamais pour défendre nos abeilles, notre apiculture, notre environnement et notre santé contre toute autorisation ou réautorisation – mortifère, des poisons reconnus tels que les insecticides néonicotinoïdes.

« Nous sommes en guerre » contre cette criminalité délibérée et organisée… que les cadavres de nos abeilles ont révélée.
Nous n’avons d’autre choix que de la poursuivre avec la conviction, le courage et la détermination qu’elle exige… et avec vous !

Votre santé et l’avenir des générations sont en jeu. Nous comptons sur votre soutien.