Logo de Terre d'Abeilles

Néonics. Non au renouvellement de la dérogation d'usage sur betteraves

14/01/2022

Avec sept autres organisations, Terre d'Abeilles a envoyé, le 14 janvier 2022, un courrier au Premier Ministre pour lui demander de refuser la réautorisation d'usage des néonicotinoïdes sur cultures de betteraves pour la prochaine campagne de semis.

 

Monsieur le Premier Ministre

Nous, organisations signataires, vous écrivons pour exprimer notre refus d’une nouvelle dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes. Face aux dangers clairement documentés que font peser ces insecticides sur la biodiversité et les pollinisateurs, nous vous demandons donc de renoncer à cette dérogation et de ne pas publier cet arrêté de dérogation.

Les néonicotinoïdes sont des insecticides systémiques, aux doses létales très basses et rémanents, dont les effets néfastes sur l’environnement et les insectes pollinisateurs ont été largement décrits scientifiquement. Le risque qu’ils présentent pour l’environnement ne peut pas être circonscrit, de nombreuses études scientifiques démontrent en effet leur capacité à se répandre dans l’environnement de différentes manières.

De nombreuses faiblesses dans le dossier soumis à consultation du public plaident pour un refus pur et simple de la dérogation.

  • Ainsi le modèle météo utilisé pour prévoir une éventuelle pullulation du puceron, vecteur de la jaunisse de la betterave, s’est montré incapable de prévoir que l’année 2021 serait plutôt froide et l’apparition des pucerons tardive. Comment alors penser que les prévisions actuelles, sur lesquelles s’appuie la demande de prolongation de la dérogation seraient fiables ?
  • De même les réservoirs viraux semblent rares d’après les documents officiels fournis au conseil de surveillance et cela contredit l’idée d’un risque fort de pression de la jaunisse de la betterave en 2022.

Ces incertitudes fortes sur la prévision d’un risque de jaunisse important en 2022 ne devraient pas conduire à l’octroi d’une nouvelle dérogation, alors que le gouvernement propose au contraire de reconduire automatiquement en 2022 la dérogation de 2021 pour l’emploi de ces insecticides tueurs d’abeilles, sans la moindre restriction.

Ces inquiétudes et d’autres ont été également relayées par des chercheurs de l’INRAe dans le cadre d’une lettre ouverte à leur direction publiée ce 10 janvier. Ils expliquent que ce courrier vise à "éclairer au mieux une décision publique responsable, en ayant comme référence l’intérêt général qui ne devrait rien sacrifier au court terme défendu par une filière sucrière principalement fragilisée par la décision politique de fin des quotas".

Par ailleurs, les textes en consultation accréditent l’idée d’un octroi automatique d’une dérogation générale sous la pression du secteur betteravier, identique à celle de 2021. Les alternatives existent, puisque près d’une vingtaine a été identifiée par l’ANSES en 2021, dont quatre utilisables dès cette année. Il est fort regrettable qu’aucun signe d’une ultime trajectoire de sortie définitive de l’usage dérogatoire des néonicotinoïdes se dessine par :

  • La mise en oeuvre et l’accompagnement de ces solutions
  • Une mise en place de haies et mosaïque paysagère comme habitats des auxiliaires de cultures, bénéfique non pas seulement à la régulation des pucerons, mais également à la restauration de la biodiversité, la régulation des autres ravageurs des
    cultures, au stockage de carbone, etc.
  • Une restriction de la dérogation aux zones dans lesquelles la pression virale semble devoir être la plus forte. C’est ce qu’avait fait l’Allemagne en 2021 en n’accordant une dérogation qu’à environ 126 000 hectares seulement sur 400 000.
  • Une baisse du dosage des produits employés pourrait aussi être mise en œuvre, ou des semis mixtes semences traitées et non traitées afin de commencer à réduire la pression sur les écosystèmes.
  • Pourrait également être envisagée une dérogation pour traitements curatifs uniquement en pulvérisation avec des produits moins toxiques au cas par cas en situation de menace extrême, à l’inverse de l’usage purement préventif des traitements de semence, pourtant contraire aux principes de la Directive européenne 2009/128 pour une utilisation durable des pesticides.

Ces premiers pas devraient clairement marquer le commencement de la fin des dérogations pour les néonicotinoïdes.
Enfin, il est indispensable de rendre obligatoires des mesures culturales de prévention, totalement absente du discours officiel actuel.

A l’aube des élections présidentielles 2022, le non-respect de l’engagement du candidat Emmanuel Macron en février 2017 de travailler à l’élimination progressive des pesticides et de respecter l’interdiction d’usage de ces pesticides néonicotinoïdes prévue dans la loi de 2016 fait tache. Nous vous appelons ainsi à revenir sur ce nouveau projet de dérogation afin que la France puisse aussi incarner dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’Union Européenne un Etat exemplaire qui agit sans ambiguïté pour la sortie des pesticides, engagement réaffirmé par le Président au Congrès mondial de la Nature de l’UICN en septembre dernier.

Vous remerciant de votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

Les signataires :
Jacques Caplat, secrétaire général d'Agir pour l’environnement
Bertrand Auzeral, président de Bee Friendly
Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération Paysanne
Stéphanie Clément-Grandcourt, directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH)
François Veillerette, porte-parole de Générations Futures
Frank Alétru, président du Syndicat national d'apiculture (SNA)
Béatrice Robrolle, présidente de Terre d’Abeilles
Christian Pons, président de l'Union Nationale de l'Apiculture Française (UNAF)

Lire notre courrier